بورتريه البطل الشعبي: حين يرسم الحكواتي ما يحلم أن يكون

La sīra ou roman populaire se construit autour de personnages historiques ayant marqué la mémoire collective par leurs exploits, sur le plan individuel comme Antar défiant et surmontant sa condition servile, ou communautaire comme le sultan Baybars repoussant définitivement les Mongoles aux portes de l’Égypte. Mais étant avant tout un objet littéraire, le genre sīra ne cesse de se démarquer de l’Histoire dont il émane pour reformuler celle-ci dans ses espaces fictionnels où la narration prend le dessus sur le narré. En ce sens, la sīra est moins la narration de la vie de personnages  ayant changé l’Histoire que celle de la morale à retenir. Et alors qu’elles glorifie ses protagonistes, elle met en avant les représentations et valeurs des couches populaires auxquelles elle s’adresse. Le passé y devient ainsi une sorte de présent réécrit et actualisé de génération en génération.  La signification de la Sīrat ʿAntar ou Sīrat Baybars ne résiderait pas dans ce qu’elles disent du poète antéislamique ou du Sultan mamelouk auxquels ces titres réfèrent. Elle se situe plutôt au niveau de ce que ces personnages recomposés nous révèlent des conteurs (ḥakawātī)  ayant pratiqué ces gestes des siècles durant, des attentes de leur public et du cadre socio-politique dans lequel ces textes ont pris forme  puis ont été contés et transmis. A partir d’extraits du Roman de Baybars selon la recension damascène et à l’occasion de la parution de son 16e volume, cette conférence propose une analyse du portrait du héros tel qu’il figure dans les premiers cahiers édités. Elle observe celui-là durant sa phase d’ascension, depuis son apparition comme enfant malade et abandonné dans un hammam de Damas, jusqu’à son entrée glorieuse à la cour du roi Ayyoub qui attendait l’avènement  de ce chevalier déjà rencontré dans un rêve prémonitoire.