Écritures cryptées dans l’Orient ancien et médiéval
L’usage d’écritures cryptées peut relever de perspectives différentes. C’est avant tout un moyen de rendre lisible un message au seul initié ou personne autorisée. Si dans certains cas il s’agit de vouloir cacher un message, une information, dans d’autres, le cryptage apparaît comme un savoir d’érudit qu’il convient parfois de protéger.
Dans l’Orient médiéval, des manuels d’administrations et des traités sur les arts de gouverner recommandent de crypter les informations circulantes entre les différents services étatiques ou pour relayer les informations sensibles touchant au domaine militaire. C’était une pratique répandue comme l’attestent de nombreux manuscrits arabes médiévaux aux colophons cryptés ou sur lesquels étaient apposées des inscriptions comprenant des lettres mystérieuses et des formules. Le chiffrage de l’information et son décryptage deviennent l’objet de savoirs techniques dès le début du califat abbasside : les premiers traités en langue arabe consacrés à l’art de chiffrer les messages et de les décrypter sont composés au cours des 9e et 10e siècles. L’intérêt pour la cryptologie s’affirme également dans les milieux littéraires avec l’émergence de la poésie cryptée favorisant ainsi l’émergence d’une cryptologie dite récréative.
Au Proche-Orient ancien, dans les traditions cunéiformes des 2e et 1er millénaire av. J.-C., la cryptographie était affaire d’érudits et de savoir de l’écriture. D’une part, elle permettait aux scribes de montrer leur savoir, leur capacité à manipuler les signes cunéiformes aux nombreuses valeurs logographiques et syllabiques : plus ils étaient compétents, plus ils connaissaient de valeurs rares des signes et plus ils pouvaient « jouer » avec. D’autre part, au 1er millénaire av. J.-C., les scribes mésopotamiens ont vanté l’aspect secret de leur écriture qui ne pouvait être diffusée au non-initié et multiplié l’usage de la cryptographie.
Dans une perspective diachronique, nous proposons de mettre en regard les différentes techniques de cryptage, leurs fonctions et usages, leur théorisation le cas échéant et leur constitution en savoirs.
Organisation : Carole Roche Ifpo/DAHA – Eugénie Rébillard ifpo/DEAMM
Contact : e.rebillard@ifporient.org
Prochaines séances
Séance 3
Mercredi 19 juin 2024 de 15h à 17h (Paris) – 16h à 18h (Beyrouth)
en ligne
Lien zoom : https://cnrs.zoom.us/j/99406089927?pwd=ak5qMG5YYmZBd0NodHVhLzBXam5yUT09
ID de réunion: 994 0608 9927 | Code secret: evU1SK
The “Book of the Passionate Desire for the Knowledge of the Characters” by Ibn al-Wahshiyya. A Treatise on Secret Alphabets and Hieroglyphs
Isabel Toral (Freie Universität Berlin) et Annette Sundermeyer
The presence of cryptographic writings and a fascination with unusual alphabets has been well documented in Arabic textual tradition since at least the eleventh century. This interest seems to have served both an interest in the occult, and a practical need for confidentiality in different contexts. One of the most notable works in this context is the « Book of the Passionate Desire » (also known as « Ancient Alphabets and Hieroglyphic Characters »), attributed to the mysterious 10th-century alchemist Ibn al-Wahshiyya. In this presentation, we will introduce you to the complex textual history of this composite work (which seems to be partly a hybrid of Western and Eastern traditions), explore its intertextual relationship to other books of the genre, and speculate on its possible « Sitz im Leben ».
Séance 4
Septembre 2024 (date à venir)
Les monogrammes sassanides : un exemple d’écriture cryptée en Iran ancien.
Olivia Ramble / Université d’Oxford/AMES
Séance 5
Jeudi 17 octobre de 15h à 17h (Paris) – 16h à 18h (Beyrouth).
Cryptés. Du Coran à la monnaie : Formes et fonctions des chiffres dans la culture manuscrite arabo-islamique
Arianna D’Ottone Rambach / Sapienza – Università di Roma
Séance 6
Jeudi 21 Novembre de 15h à 17h (Paris) – 16h à 18h (Beyrouth).
Les manuscrits de cryptologie de la collection Ulahbib en Algérie.
Djamel -Eddine Mechehed. Bibliothèque de manuscrits Ulahbib -Béjaia
Séance 7
Jeudi 12 Décembre de 15h à 17h (Paris) – 16h à 18h (Beyrouth).
The Origin of Cryptography and its Development in the Ancient Egyptian Civilization.
Nagwa Metwalli / General Director of the Scientific Publication Department, Egyptian Ministry of Tourism and Antiquities.
Séance 8
Jeudi 25 janvier 2025 de 15h à 17h (Paris) – 16h à 18h (Beyrouth).
Coptic Cryptography in Egypt’s Late Antiquity
Hind Salah al-Din/ Université du Caire
Séances passées
Séance 1
Jeudi 4 avril 2024 de 15h à 17h (Paris) – 16h à 18h (Beyrouth)
En ligne
Analyse arithmologique d’un carré magique des 99 Noms Divins attribué à Aḥmad al-Būnī (m. 622/1225), par Nadir Boudjellal /Inalco
Les talismans et autres applications des propriétés magiques des lettres peuvent camoufler, derrière une façade populaire, des conceptions ésotériques à destination d’une élite spirituelle prête à les méditer. Les valeurs numériques des 99 Noms Divins en islam, répartit à l’intérieur d’un carré magique aux origines mystérieuses, présente une harmonie mathématique résistante à toute tentative de formalisation. La proximité de certains Noms et nombres dans ce carré dévoile aussi de subtiles expressions doctrinales.
Nadir Boudjellal prépare une thèse en islamologie sur les lettres isolées du Coran à l’Inalco.
Séance 2
Jeudi 25 avril 2024 de 15h à 17h (Paris) – 16h à 18h (Beyrouth)
En ligne
Chiffrement et déchiffrement de l’arménien, systèmes cryptographiques dans les manuscrits anciens, par Chahan Vidal-Gorène (École nationale des Chartes/PSL)
Plusieurs dizaines de méthodes de chiffrement sont attestées dans les manuscrits anciens arméniens. Si la plupart d’entre eux ne pose pas de difficulté majeure, leur variété témoigne d’un véritable intérêt pour cette science du secret. L’intervention présentera une vue d’ensemble des systèmes utilisés et des clefs pour leur résolution. Nous nous intéresserons particulièrement à leur déchiffrement automatique avec des méthodes de vision par ordinateur et des défis qu’ils posent dans le cadre de la reconnaissance automatique des écritures par IA.
Chahan Vidal-Gorène est président-fondateur de Calfa. Il dirige le master Humanités Numériques de l’École nationale des Chartes/PSL, où il achève une thèse en paléographie arménienne computationnelle.
Crédits image de mise en avant : Carole Roche-Hawley