Séminaire du Département des études contemporaines (DEC, Amman)
Séminaire du Département des études contemporaines (DEC, Amman)
Intervenante : Solenn Al Majali, Doctorante AMI, Ifpo-Amman (Telemme/Université d’Aix-Marseille)
La cohabitation entre Jordaniens et réfugiés d’Afrique de l’Est ainsi que du Yémen à Jebel Amman : interactions, processus d’altérisation et reconfigurations identitaires
Cette intervention se propose de revenir sur l’évolution de mon sujet de thèse, portant sur la co-présence des Jordaniens avec des migrants forcés somaliens, soudanais et yéménites à Amman. Elle se basera sur les quelques résultats de mon enquête de terrain réalisée dans des quartiers de Jebel Amman, au sein d’une école publique, d’Organisations Non Gouvernementales locales ainsi qu’à travers les lieux de sociabilité, tels que les cafés et terrains de football, que s’approprient progressivement les réfugiés.
Au gré du déroulement de mon enquête de terrain, de nouvelles thématiques ont émergé. Il s’agira d’une part d’appréhender le processus d’altérisation des réfugiés, en fonction de leur nationalité, à travers l’imaginaire commun jordanien. Je partirai ainsi de trois entretiens réalisés avec Mustapha, Shadi et Mohammed, trois commerçants locaux des quartiers de Jebel Amman où cohabitent Jordaniens et migrants issus de différents pays. Comment l’« étranger » proche, à l’instar du voisin somalien, soudanais ou yéménite, se voit-il qualifié ? En outre, comment le fait d’étiqueter l’autre atteste de formes mouvantes d’altérité dans l’imaginaire jordanien ?
Par ailleurs, le racisme étant la manifestation la plus aigüe de l’altérisation, je me pencherai sur la question du racisme en Jordanie et essayerai de voir dans quelle mesure ce dernier peut prendre diverses formes en fonction des populations concernées, à savoir les populations locales noires et celles de migrants forcés. Le racisme sera aussi étudié en tant qu’il influe sur la manière des réfugiés à se mouvoir dans l’espace ammani mais aussi à définir leurs propres identités.
Quelles reconfigurations identitaires s’opèrent donc en exil au sein des populations réfugiées soudanaise, somalienne ainsi que yéménite ? Je prendrai ici les exemples des migrants forcés Zaid, « muwallad », à la fois de nationalités yéménite et somalienne, Muhaddin, se disant « pur » Somalien ainsi que de Ritaj, se considérant Yéménite « originelle ». Il s’agira de montrer en quoi leurs modes d’identification fluctuent en vue de correspondre aux catégories étroites de bénéficiaires érigées par le Haut-Commissariat aux Réfugiés mais aussi à travers leurs interactions, non sans rapports de force, avec d’autres réfugiés.
Intervenante : Elodie LE FUR, Diplômée du Master Sciences Po Paris (PSIA) – Etudes arabes, INALCO.
Les émeutes tribales en Jordanie: deux cas d’étude à Maᶜân et Al-Sarîḥ (2013-aujourd’hui).
Ma recherche se concentre sur deux faits divers qui se sont déroulés l’un à Maᶜân en avril 2013, l’autre à Al-Sarîḥ (près d’Irbid) entre mai et juin 2017. Le point de départ de ces évènements est semblable : une altercation entre deux groupes qui appartiennent à deux tribus différentes, le meurtre d’un de leurs membres dans les violences, et le déclenchement d’émeutes à travers la ville (sac de magasins, incendies volontaires, coups de feu), qui ont elles-mêmes mené à d’autres violences contre des individus voire à d’autres meurtres.
Cet enchaînement d’évènements est un schéma connu et courant en Jordanie, et la notion d’émeutes tribales (suite à des meurtres de manière générale) est documentée dans la presse et les travaux académiques. Mes premières recherches sur la période 2013-2018 indiquent en moyenne entre 10 et 15 cas majeurs par an, soit presque 1 par mois.
A travers ces deux études de cas, connus comme les émeutes de l’université Hussein Bin Talal (à Maᶜân), et celles entre les šiyâb et les ᶜaṯâmana (à Al-Sarîḥ, du nom des deux tribus impliquées), je souhaite décortiquer les ressorts de la mobilisation tribale, les réseaux d’acteurs de la violence, ainsi que de la réconciliation, et la place des institutions étatiques dans le conflit (dans la mission de rétablissement de l’ordre, mais aussi les institutions judiciaires). J’ai sélectionné ces deux cas du fait de leur retentissement dans le débat national (à Maᶜân, il y a eu 4 morts dans les émeutes, la ville a été encerclée par les forces de l’ordre, les routes coupées par des membres de la tribu ḥûweyṭât), et du fait de la durée exceptionnelle du conflit (deux mois d’affrontements continus à Al-Sarîḥ, deux morts et de nombreuses destructions). Ma démarche s’appuie sur une analyse dans le détail de chaque cas (et tente donc de mettre en évidence les spécificités locales du tissu tribal), afin de tenter de dégager des dynamiques plus larges qui expliquent la relation du citoyen à sa tribu, et à l’Etat. Mes principales questions sont donc les suivantes : Historiquement, assiste-t-on à un regain ou à un déclin de ces incidents ?Comment se déroule la mobilisation des solidarités familiales et tribales depuis le début du conflit jusqu’à sa résolution ? Ce type d’incidents est-il généralisé à tous les citoyens jordaniens ou circonscrit à quelques tribus ? Comment interpréter ce phénomène dans le processus de gestion de la violence en Jordanie ? Comment interpréter ce phénomène du point de vue du rapport entre l’Etat et la région d’étude ?
Date et horaire :
23 Mai, 11h-12h30
Lieu :
Ifpo-Jordanie, Jabal Amman, 3, rue Ibrahim A. Zahri
Contact :