WADI 2023/24 – Webinaires Académiques des Doctorant·es de l’Ifpo
La série des WADI de 2023-2024 a couvert divers domaines tels que le cinéma, l’art, l’archéologie, le culte, l’architecture, l’urbanisme, le journalisme, le patrimoine et l’environnement. Des doctorant·es issu·es principalement des différents départements de l’Ifpo ont pu participer à ces rencontres, organisées entre novembre 2023 et juin 2024.
Séance 1: 16 novembre 2023 – Anatomy of a Precarious Newsroom: Precarity and Agency in Syrian Exiled Journalism in Turkey- Yazan Badran
Yazan Badran et Kevin Smets ont publié en 2021 dans la revue Media, Culture & Society l’article intitulé « Anatomy of a Precarious Newsroom: Precarity and Agency in Syrian Exiled Journalism in Turkey ». L’auteur principal, Yazan Badran, est affilié à la Vrije Universiteit Brussel, où il travaille sur des projets liés aux médias et à l’exil. Son intervention aborde la précarité des journalistes syriens exilés en Turquie à travers le cas de la rédaction d’Enab Baladi, un média fondé au début de la guerre civile syrienne qui documente la manière dont les médias exilés réussissent à fonctionner dans des contextes où les vulnérabilités professionnelles et personnelles se chevauchent. Elle montre en effet que les journalistes d’Enab Baladi, bien que travaillant dans un contexte d’insécurité professionnelle, financière et légale, parviennent à maintenir une certaine autonomie éditoriale. Leur statut d’exilés les expose à des difficultés comme l’absence de permis de travail ou de protections sociales. En raison de la perte de capital économique et culturel, ils acceptent des salaires modestes en espérant reconstruire leur carrière. Enab Baladi elle-même doit naviguer entre les pressions financières et légales puisque l’organisation dépend de petites subventions internationales. L’environnement physique de la rédaction contribue également à cette précarité. Située dans un quartier cosmopolite d’Istanbul, la rédaction reste sous la menace d’interventions policières et de tensions nationalistes. Cette fragilité géographique, combinée à des mesures de sécurité internes, reflète les pressions constantes auxquelles sont soumis les journalistes.
Séance 2 : 7 décembre 2023- Images d’après au Liban, le cinéma face à l’Histoire – Ghada Sayegh
Ghada Sayegh docteure en études cinématographiques, professeure associée à l’Institut d’Études Scéniques, Audiovisuelles et Cinématographiques de l’USJ, et directrice du Laboratoire Littératures et Arts, mène des recherches portant principalement sur la création artistique face à histoire. Elle explique dans son intervention, comment les images d’après-guerre au Liban participent à l’écriture de l’histoire. En effet, si l’histoire du Liban a été marquée de 1975 à 1990 par la guerre civile, le temps de l’après-guerre semble difficile à circonscrire tant il a été ponctué d‘incidents sécuritaires, interrogeant sans relâche tout discours ou images censées s’y référer. La notion d’images d’après, qui correspond selon notre hypothèse à la non-contemporanéité de l’évènement, la difficulté d’en rendre compte par le langage et la représentation, relèverait autant d’un cinéma de guerre en rupture avec l’événement, qu’à un cinéma de l’après-guerre qui porte un regard sur un passé, coexistant avec le présent. Dès lors, le cinéma au Liban polarise une tension hautement sensible à l’écriture de l’histoire, proposant par ses formes les plus hybrides et expérimentales un territoire qui relance indéfiniment les questions d’histoire et de mémoire. Ghada Sayegh propose de relever les dynamiques diverses qui animent des œuvres filmiques amenant, par la diversité de leurs propositions, à penser les événements et à les historiciser. Les discussions qui ont suivi ont mis en évidence la complexité du travail de mémoire et souligné le rôle essentiel du cinéma.
Séance 3 : 11 janvier 2024 – Les techniques traditionnelles utilisées dans les habitats de la vallée de la Qadisha – Elsy Trad
Elsy Trad, doctorante à l’Université Libanaise depuis 2020 et à l’IFPO depuis 2021, mène une recherche sur les « Matériaux et techniques de construction dans les fortifications du Comté de Tripoli au Liban à l’époque médiévale ». Titulaire d’un Diplôme d’Études Supérieures en Recherche Archéologique et d’une Licence en Art et Archéologie de l’Université Libanaise, elle a suivi plusieurs formations en archéologie. Forte d’une grande expérience en restauration et en fouilles, elle a travaillé sur des projets au Liban, en Syrie, au Maroc et en Algérie. Elle est employée à la Direction Générale des Antiquités dans le nord du Liban et est membre d’ICOMOS – Liban. Elle présente dans son intervention, un aperçu des techniques traditionnelles de construction utilisées dans les habitats de la vallée de la Qadisha. À partir d’une étude menée sur quatre bâtiments situés à Hadchit et Baqua Kafra, elle a mis en lumière l’importance des matériaux locaux, notamment les pierres « al Kadani » et « al Smaki ». Elle a également décrit l’usage de la terre, mélangée à du sable, du gravier, de la paille hachée et de la chaux, pour former des mortiers et des enduits. En ce qui concerne les charpentes, elle a expliqué que les toitures plates, construites à partir de structures en bois, sont typiques de la région. Ces systèmes reposent généralement sur une poutre principale disposée dans le sens longitudinal de la construction, soutenant les poutres transversales. La discussion qui a suivi a mis en évidence la nécessité de valoriser ce patrimoine architectural méconnu de la vallée de la Qadisha. Elle a souligné l’importance de l’intégrer aux parcours éducatifs et touristiques, et de le placer au centre des politiques locales d’aménagement.
Séance 4 : 1 er février 2024- L’état de la recherche en Archéobotanique au Liban, du Néolithique à l’Âge du Fer – Christelle Kabboul
Christelle Kabboul, doctorante en deuxième année de thèse, en cotutelle au Muséum national d’Histoire naturelle et à l’Université libanaise et bénéficiant de l’aide à la mobilité internationale (AMI) de l’Ifpo en complémentarité de l’HFF PhD Scholarship de la fondation Honor Frost, est rattachée au département d’archéologie et d’histoire de l’Antiquité (DAHA) depuis octobre 2022. Son sujet de recherche s’intitule « environnement et pratiques agraires des communautés néolithiques côtières du Levant Central : étude anthracologique et carpologique de Tabarja Wata Slam 100, Liban. Dans son intervention, elle explique comment la recherche archéobotanique au Levant Central a longtemps été entravée par le ralentissement des fouilles archéologiques, le manque d’intérêt pour l’échantillonnage des restes végétaux, la rareté des données pertinentes et l’absence d’expertise nationale pour les analyser. Après avoir présenté tout d’abord une définition générale de l’archéobotanique puis de ses sous-disciplines, elle fait un état des lieux de la recherche archéobotanique appliquée sur différents sites archéologiques libanais pour des périodes allant du Néolithique jusqu’à l’Âge du Fer. L’importance du développement de ces recherches environnementales dans le domaine de l’archéologie est mis en avant, notamment pour reconstituer les paramètres environnementaux et socio-économiques des anciennes sociétés. Ce nouveau domaine d’étude au Liban a suscité l’intérêt des participants qui ont réfléchi à la mise en place d’aménagements, de carpothèques, de xylothèques et d’outils spécifiques pour les archéobotanistes, une discipline encore méconnue dans le pays.
Séance 5 : 22 février 2024 – Les terres cuites hellénistiques de la collection Camille Aboussouan au musée d’Agen – Graziella Haddad Hindi
Graziella Haddad Hindi est doctorante en deuxième année de thèse à l’Université Libanaise, en cotutelle avec l’Université Toulouse II Jean Jaurès (UT2J). Depuis janvier 2024, elle bénéficie de l’aide à la mobilité internationale (AMI) de l’Ifpo et est rattachée au département d’archéologie et d’histoire de l’Antiquité (DAHA). Son sujet de recherche, intitulé « Les figurines en plomb de la source de Ain el Jouj (Baalbek/Héliopolis) : recherches sur les offrandes votives », vise à démontrer l’existence d’un culte lié aux sources d’eau au Liban. L’analyse iconographique occupe une place centrale dans sa démarche, lui permettant de développer des compétences d’analyse et de lecture sur d’autres types de matériel de la même époque, notamment les figurines en terre cuite de la collection Aboussouan, conservées au musée d’Agen. Lors de son intervention, elle présente une large variété de terres cuites grecques et romaines provenant de Syrie/Phénicie. Elle met en lumière une riche production de figurines imprégnées de culture grecque, représentant des femmes, des hommes et des enfants qui illustrent un mode de vie hellénisé sur la côte syro-phénicienne entre le IIIe et le IIe siècles avant J.-C. Cette collection témoigne de l’ancrage des terres cuites hellénistiques dans l’histoire d’un art, d’un mode de vie et de cultes profondément méditerranéens. La discussion a porté sur ces objets, qui, par leurs thématiques, reflètent une joie de vivre et un bien-être chez des populations probablement similaires à celles de Kharayeb, un site situé près de Tyr, au sud du Liban. La finesse et l’expressivité de la coroplastie témoignent d’une recherche esthétique typique de la période hellénistique.
Séance 6 : 14 mars 2024-Promenade à travers le temps dans les jardins de Bostan-ech-Cheikh – Carole El Hachem
Carole El Hachem, doctorante au Département d’Archéologie de l’Université Libanaise et rattachée à l’Ifpo au Département d’Archéologie et d’Histoire de l’Antiquité, prépare une thèse intitulée « Le site d’Eshmoun à Bostan-ech-Cheikh, à Saïda : réinterprétation à travers la culture matérielle », grâce à une aide à la recherche Houda Ayoub. Céramologue et archéologue de terrain, elle a participé à des fouilles de sauvetage au Liban, notamment à Tabarja, Wata Slam 100, et à la mosquée al-Attar à Tripoli. Lors de son intervention, elle propose une découverte des jardins de Bostan-ech-Cheikh, à la source Yidlal, où se dressent les vestiges d’un sanctuaire dédié à Eshmoun, le dieu de la guérison et de la médecine, reconnu comme le spécialiste des maladies infantiles. La vénération d’Eshmoun à Bostan-ech-Cheikh s’est étendue de l’Âge du Fer III (550-333 av. J.-C.) jusqu’à la période romaine (64 av. J.-C. – 395 ap. J.-C.). Ce culte païen fut progressivement dissimulé avec l’avènement du christianisme, comme en témoigne la présence d’une église byzantine dans le périmètre du site. Les différents édifices et la culture matérielle du sanctuaire d’Eshmoun suggèrent que la vie économique et religieuse de Saïda était influencée par les événements politiques de cette cité-État phénicienne. La discussion a mis en lumière l’unicité et la complexité de ce site, caractérisé par la présence de diverses structures architecturales.
Séance 7 : 25 avril 2024-Vers une approche ascendante de patrimonialisation dans une zone rurale arabe – Marie-Claire Andraos
Marie-Claire Andraos est doctorante à l’USJ au Laboratoire CREEMO depuis octobre 2020 et au DEC de l’Ifpo Beyrouth depuis février 2023. Sa thèse explore la mise en œuvre du processus de patrimonialisation dans les zones rurales en contexte de crise, en prenant pour cas d’étude Jezzine, au Liban. Titulaire d’un master en sciences et gestion de l’environnement ainsi que d’une licence en biochimie de l’USJ, elle est également membre du conseil culturel de la région de Jezzine et supervise les séminaires des doctorants à l’Ifpo et au CREEMO. Lors de son intervention, elle explique le processus de patrimonialisation en mettant en avant une approche ascendante appliquée à la zone rurale de Jezzine, qui regorge de patrimoine inexploité : la plus grande forêt de pins du Moyen-Orient, une cascade emblématique, la vallée de Bisri, une forteresse des croisés, des moulins anciens, des résidences historiques, ainsi que des artisans, des festivals traditionnels, et divers auteurs, hommes politiques et artistes ayant marqué son histoire. Dans cette approche, elle consulte les citoyens à travers une enquête menée auprès de 392 résidents, comptant 23 entretiens (10 avec des hommes politiques et 13 avec des experts), ainsi que 10 groupes de discussion réunissant 130 personnes. La discussion a souligné l’importance de son enquête de terrain, qui devrait s’élargir et être adoptée par des acteurs locaux et des collectivités territoriales afin d’établir un état des lieux des ressources patrimoniales des régions en vue de leur valorisation.
Séance 8 : 16 mai 2024-Les Unguentaria en verre du site Saifi 071 (Ier s. av. J.-C. – IIe s. ap. J.-C. )- Photine Gergi
Photine Gergi, titulaire d’un master en art et archéologie de l’Université Libanaise, a rédigé un mémoire intitulé « Les unguentaria en verre du site Saïfi 071 (Ier s. av. J.-C. – IIe s. ap. J.-C.) ». Elle prépare actuellement un projet de thèse à l’Université Libanaise, axé sur l’étude du corpus en verre de la période greco-romaine provenant du site Saïfi 071 à Beyrouth. En parallèle, elle est archéologue de terrain et a participé à de nombreuses fouilles dans le centre-ville de Beyrouth, ainsi que sur le site de Tabarja Wata Slam 100 et à la mosquée al-Attar à Tripoli. Son intervention porte sur l’étude du verre romain, et plus précisément sur les unguentaria provenant du site Saïfi 071 à Beyrouth. La diversité typologique et chronologique de ce matériel souligne l’importance de cette cité, qui s’est transformée en une véritable colonie romaine. De plus, ce corpus met en lumière les coutumes funéraires pratiquées par les habitants de Beyrouth. La discussion a porté sur l’importance de la culture matérielle dans la restitution d’un mode de vie et des traditions d’une société.
Séance 9 : 6 juin 2024- De la ville à la ville informelle et inversement. Mobilités résidentielles et production des quartiers informels de Hay el Tanak et Hara el Jdideh au Liban Nord – Mira Mina
Mira Mina est doctorante en deuxième année à l’Université libanaise (laboratoire CERDA) en cotutelle avec l’Université Paris Cité (laboratoire CESSMA), et doctorante associée au DEC à l’Ifpo depuis mai 2023. Elle est lauréate de la bourse doctorale SAFAR de l’Ambassade de France et d’un cofinancement de l’Institut de Recherche pour le développement (IRD). Elle est architecte de formation de l’Université Libanaise et titulaire d’un post-master Recherches en architecture de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris la Villette. Sa thèse porte sur l’analyse des mobilités et des trajectoires (résidentielles, quotidiennes, de biens et d’objets, etc.) entre les quartiers précaires et les camps de réfugiés syriens dans la fabrique de la ville informelle à Tripoli, au Nord du Liban. Sa présentation revisite la question de la ville informelle en postulant qu’elle n’est pas seulement une addition de différents quartiers informels, mais qu’elle se fabrique dans leur interaction. À partir du terrain libanais, cette présentation vise à montrer en quoi les circulations et mobilités résidentielles, vers et depuis les quartiers informels de Hay el Tanak et el Hara el Jdideh à el Mina – Tripoli, contribuent à la fabrique de la ville informelle. La complexité des mobilités intra-urbaines et les recompositions incessantes des espaces au sein des quartiers informels étaient au cœur des discussions des participants à cette rencontre.
Liens vers les programmes des WADI
2020/21 : https://www.ifporient.org/wadi-2020-21/
2021/22 : https://www.ifporient.org/wadi-2021-22/